I. Du Chiffre de César au secret du Masque de fer
Comment envoyer un message à un ami, un allié, en évitant qu’il soit compris par une tierce personne ? En le cryptant, bien sûr ! De grandes pages de l’Histoire sont marquées par des inventions de codes secrets et par… leur divulgation. Premier épisode d’une guerre de l’ombre…
Bois ciré et tête d’œuf
Demaratus, Grec exilé mais fidèle à sa contrée natale, apprend un beau jour que les troupes perses de Xerxès se préparent à envahir Sparte. Pour prévenir les Grecs, il grave son message sur une paire de tablettes de bois pliantes qu’il recouvre ensuite de cire. Elles voyagent ainsi sans éveiller les soupçons et finissent entre les mains de son destinataire, le roi Léonidas, plutôt décontenancé devant ces «pages blanches ». Heureusement, la douce Cléomène, son épouse, a l’idée de gratter la cire pour découvrir ce qu’elle cache…
Ainsi prévenus, les Grecs construisent en toute hâte 200 navires de guerre et tendent une embuscade à la flotte perse : le 23 septembre 480 av. J.-C., ils laissent pénétrer l’armada ennemie dans la baie de Salamine, près d’Athènes, et leur tombent sur le paletot. Les Perses, bien que supérieurs en nombre, ne bénéficiaient plus de l’effet de surprise : ce fut pour eux la déroute.
Cette aventure, rapportée par l’historien grec Hérodote, nous révèle la première forme connue d’écriture codée. Et elle est révélatrice du rôle que joueront par la suite les codes secrets : finement caché ou brouillé, un simple messages peut modifier le cours de l’Histoire.
Hérodote mentionne aussi le cas du Grec Histalus qui encouragea un soulèvement contre les Perses de manière très astucieuse : il rasa le crâne d’un serviteur, y écrivit son message et… attendit que sa toison repousse pour masquer la bafouille ! Après un voyage sans encombre, le messager n’eut plus qu’à se raser le crâne pour informer le destinataire.
Dans la Chine ancienne, les messagers ne devaient pas manquer d’estomac. Les missives étaient tracées sur de la soie fine, glissées dans une minuscule boule recouverte de cire et avalées ! Partout dans le monde on utilisa aussi diverses encres invisibles qui ne se révélaient qu’à la flamme d’une bougie ou en appliquant différents produits. Mention spéciale, tout de même, pour le savant italien Giovanni Porta, qui mit au point cette méthode originale : après avoir fabriqué une encre composée d’alun (un composé d’aluminium et de potassium) et de vinaigre, on écrit le message sur la coquille d’un œuf dur. Comme celle-ci est poreuse, l’encre disparaît en traversant l’enveloppe et se dépose sur le blanc. Il suffit donc au destinataire d’écaler l’oeuf pour découvrir le message !
1 message, 2 textes
Pour crypter et décrypter les messages, expéditeur et destinataire doivent s’entendre sur un protocole, autrement dit une méthode générale pour brouiller et débrouiller le texte. L’habitude veut aussi que l’on note le texte clair en minuscules, et le TEXTE CRYPTÉ en majuscules. De même que des générations de cryptologues se sont entendus pour ne tenir compte que des lettres du texte clair, excluant tout autre signe (ponctuation, apostrophes, accents, etc.). Sachant cela, vous voici armé pour suivre la surprenante histoire des codes secrets.
Note pour l’édition Web
Dans ces pages, j’ai également utilisé un code couleur pour favoriser la lecture. Voici comment s’afficheront :
- Un texte clair.
- UN TEXTE CRYPTÉ.
- UNE CLEF DE CHIFFREMENT.
- Un élément du code sur lequel on attire l’attention (gras + couleur variable).
Il est également d’usage de présenter un texte crypté découpé en blocs de 5 lettres. C’est uniquement une aide pour la lecture, de sorte qu’on n’en déduira aucune information supplémentaire pour le décryptage (par exemple sur la longueur de la clef de chiffrement, etc.).
ULSEUMBDMSVDOUMIHHDBF
sera donc affiché :
ULSEU MBDMS VDOUM IHHDB F
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