PREMIERS PAS

Qui êtes-vous, Mister Tolkien ?

Pas folichonne, la jeunesse de John Ronald Reuel Tolkien ! Né en Afrique du Sud en 1892, il rejoint rapidement l’Angleterre à cause de sa santé précaire. Puis ce sont les décès successifs de ses parents, et le voici élevé par un prêtre catholique à partir de 1904. Et quand vient la Grande Guerre, il ne se démonte pas, s’engage dans l’armée Britannique… et découvre l’horreur des tranchées dans la terrible bataille de la Somme où il perd presque tous ses amis — un épisode qui marquera durablement son œuvre.

Heureusement tout s’arrange après la guerre. Tolkien se révèle brillant et devient rapidement « philologue » : il étudie les langues et les dialectes anciens en se basant sur l’analyse de textes d’époque, en l’occurrence du Moyen-Âge, sa période de prédilection. Outre les classiques (latin et grec), il apprend également le gallois, l’hébreu et même le finnois, tant il est fasciné par la culture scandinave. Sa compétence est telle qu’il finira par enseigner à la prestigieuse Université d’Oxford, jusqu’à sa retraite en 1959.

Mais pour Tolkien, les langues anciennes ne sont pas tout. Fidèle à une passion de jeunesse, il déploie tout son talent pour en créer de nouvelles ! Des langues fictives, composées de toutes pièces (comme les différentes formes d’elfique) ou inspirées de celles de  l’Europe du Nord. Mais le plus étonnant, c’est que Tolkien éprouve très vite le besoin de créer un univers imaginaire pour qu’elles puissent s’y exprimer, pour qu’elles « aient l’air réels ». C’est donc bien son amour des langues qui transforme Tolkien en romancier, et non pas le contraire : « Personne ne me croit, insistera-t-il, et pourtant c’est vrai. »

Tolkien va dès lors mettre toute son érudition au service de son projet. Il reprend ses premier « récits elfiques » — rapatrié du front en 1917, il les a rédigés durant sa convalescence en Angleterre —, les complète et charpente peu à peu son univers. Une œuvre marquée par de nombreuses sources d’inspirations, comme la mythologie scandinave qui lui tient tant à cœur, avec ses légendes et ses sagas épiques. Mais aussi par les romans (dits « courtois ») du moyen-âge, comme les aventures du roi Arthur et de ses chevaliers de la Table Ronde ; ou la Chanson de Roland et le plus méconnu Beowulf, le plus ancien des récits légendaires britanniques. Sans oublier les mythologies classiques (grec et romaine) et des épopées comme l’Iliade et l’Odyssée d’Homère. Enfin, Tolkien étant profondément croyant, ses récits se fondent également « sur une certaines idées religieuses, mais ne les mentionnent pas explicitement, et les prêche encore moins. »

Au final, Tolkien est parvenu à créer — en plein XXème siècle ! — une mythologie complète et inspirée. Un « Légendaire » qui raconte l’antique histoire de la Terre (car il s’agit bien de notre planète), de ses divinités, de ses peuples (Elfes, Nains, Hobbits…), etc. Sa grande cohérence tient au lacis d’épopées et de légendes qui s’entremêlent à travers les Âges, avec force détails sur la géographie, la flore, la faune, la généalogie, les langages, les cataclysmes, les histoires d’amour, les faits héroïques ou les détails historiques. Pour Tolkien, Le Seigneur des Anneaux n’est pas au centre de cette mythologie, mais sont point culminant : les événements qu’il raconte — et qui s’achèvent sur la disparition des êtres de légende — marquent la fin des Temps Anciens. Dès lors, le monde sera livré à la seule humanité qui pourra entrer dans sa « pré-histoire », telle que nous la connaissons.

Entre les tranchées de la Première guerre mondiale et sa mort en 1973, Tolkien consacra plus de cinquante ans à son œuvre. Il fallait bien toute une vie pour développer un univers si riche, si dense, qu’on n’a pas fini de le revisiter.

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