LES CLEFS DU SEIGNEUR DES ANNEAUX
Le Pouvoir de l’Anneau
La deuxième clef est ce que Tolkien considère comme « le plus grand des péchés » : la volonté de dominer les autres. Il l’a matérialisée sous la forme de l’« Anneau Unique » que Sauron a naguère forgé en secret pour contrôler ces autres anneaux qui furent remis aux chefs des peuples de la Terre du Milieu :
« Trois Anneaux pour les Rois Elfes, sept pour les Seigneurs Nains, neuf pour les Hommes mortels… et un Anneau pour les gouverner tous et dans les ténèbres les lier. »
La puissance de l’Anneau est à la mesure de la « stature » de son porteur, ce qui explique qu’un simple Hobbit comme Frodon n’est pas affecté immédiatement. En revanche, le pouvoir de l’Anneau serait considérable entre les mains de Sauron, car il serait de taille à asservir en peu de temps toute la Terre du Milieu. Sauron s’en est d’ailleurs déjà servi pour soumettre les anciens rois des hommes qui se sont transformés en « Spectres de l’Anneau », les fameux Nazgûl ; sous l’apparence de Cavaliers Noirs, ils arpentent désormais le monde pour exécuter les sombres desseins de leur Maître.
La force du « libre arbitre »
Pour Tolkien, pas question que les acteurs de ses romans restent figés dans leur façon d’être ou dans leurs convictions. Plus intéressante est la façon dont les personnages peuvent être tiraillés entre la Lumière et les Ténèbres. Au point que, de son propre aveu, l’auteur n’a jamais suivi de plan quand il rédigeait son SDA : il s’est simplement laissé guider par les dilemmes posés à ses personnages, les choix qu’il leur semblait devoir faire et les actes qui en découlaient. Il a donc trouvé un « moteur » pour animer tout ce petit monde : ils carburent au « libre arbitre ».
Littéralement, c’est la capacité d’opérer des choix par sa seule volonté. Autrement dit, sans que quiconque puisse vous imposer telle ou telle décision. Il suffit alors de se souvenir que le pouvoir de l’Anneau est justement de contrôler autrui, et vous obtenez la troisième clef majeure du roman : quasiment chaque intrigue va opposer le libre arbitre des personnage à la tentation du pouvoir, autrement dit à celle du Mal.
Une scène cruciale de « la Fraternité de l’Anneau » illustre parfaitement ce ressort du roman. Juste après que Boromir a tenté d’arracher l’Anneau à Frodon, ce dernier le passe à son doigt pour devenir invisible et réussit ainsi à s’échapper. Parvenu au sommet d’une colline (l’Hamon Hen, pour les fans), voici notre Hobbit sous l’emprise d’une double influence : d’une part celle de l’Œil corrupteur de Sauron, qui veut à tout prix récupérer l’Anneau, d’autre part celle d’une Voix — d’origine alors inconnue — qui veut convaincre Frodon de le retirer. Des deux côtés, la pression est extrême, mais « soudain, écrit Tolkien, il fut à nouveau lui-même, Frodo, ni la Voix, ni l’Œil, libre de choisir, et devant le faire sur le champ ».
Cette scène est importante parce que si des forces colossales sont en jeu, c’est finalement de son plein gré, « libre de choisir », que Frodon finira par ôter l’Anneau, résistant ainsi à l’emprise du Mal. Mieux, on apprendra plus tard que la fameuse Voix était en fait celle de Gandalf, intervenant d’outre-tombe après sa chute dans l’abyme de la Moria. Et l’on comprend dès lors que son but n’était pas tant de forcer, ni même de convaincre Frodon de retirer l’Anneau. Mais bien de contenir l’influence de Sauron afin que le Hobbit puisse recouvrer son indispensable libre arbitre pour agir selon sa seule conscience.
Dès lors, on comprend mieux le rôle crucial que donne Tolkien à l’Anneau dans toute son œuvre : il est chargé de tenter ses protagonistes, de tester leur résistance à l’attrait du pouvoir — et donc du Mal. C’est pourquoi tous les grands personnages qui luttent contre Sauron se le voient proposer à un moment ou à un autre. Gandalf, bien sûr, dès le début du roman ; mais aussi Elrond, le Seigneur de Fondcombe, ou Dame Galadriel qui règne sur les Elfes. Et surtout Aragorn qui, par son refus de succomber à la tentation, méritera bien d’être couronné dans Le Retour du Roi. Pour Tolkien, tous ces personnages ne semblent qu’a priori du bon côté. Mais ils n’appartiennent véritablement au camp de la Lumière qu’après avoir choisi de résister au pouvoir incarné par l’Anneau. Fi des intentions, c’est réussir l’épreuve qui compte !
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