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Les Clefs du « Seigneur des Anneaux »

   Ecrit par : Olivier Fèvre   in Art & Culture


LES CLEFS DU SEIGNEUR DES ANNEAUX


Les « excès » du progrès

Ce que Tolkien appelle « Machine », c’est le symbole d’un progrès et d’une technologie incontrôlées. Elle nous renvoie donc à une autre clef de lecture, typiquement d’origine britannique, puisque c’est l’Angleterre qui connut la première une galopante révolution industrielle. « Méfions-nous des excès du progrès », nous conjure Tolkien en substance. Non seulement pour protéger la nature, comme nous le verrons, mais aussi parce qu’il n’augure rien de bon pour l’homme. Et l’auteur de semer de nouveau petits cailloux dans ses livres.

Ainsi décrit-il Saroumane comme un pur « esprit de métal et de rouages » pour dénoncer ses exactions. Grâce à un fabuleux plan-séquence, le premier film montre d’ailleurs très bien que l’Isengard, le domaine du Sage félon, s’est transformé en une gigantesque usine souterraine. Pour y produire quoi ? Les fameux Uruk Haï, une nouvelle race d’Orques d’une puissance inouïe ! Leurs ancêtres étaient déjà le fruit de la manipulation contre-nature d’êtres de chair et de sang (Elfes et Humains confondus), de même que les Trolls sont des « contrefaçons d’Ents ». Or voici que Saroumane a commis de nouveaux outrages sur le vivant pour produire des « sur-êtres », qu’il multiplie à une échelle industrielle pour bâtir son armée. N’est-ce pas la terrible préfiguration de ces craintes modernes que sont les manipulations génétiques et le clonage ?

Plus loin, durant la bataille du gouffre de Helm, les troupes de Saroumane utilisent des armes inédites qui ressemblent à des explosifs, davantage rejetons d’une science naissante que d’une quelconque forme de magie. Même la description que fait Tolkien des Nazgûl juchés sur leurs montures ailés semble devoir nous troubler. En comparant certains passages du SDA avec des témoignages de la Grande Guerre, le spécialiste Barton Friedman a ainsi noté une analogie remarquable avec la chute des obus sur les villes et les champs de bataille : mêmes effets sur les corps déchiquetés et commotionnés, mêmes impacts des cris et des bruits stridents sur le moral des combattants et civils…

Chez Tolkien, tout ce qui s’attache aux excès de la science et de la technologie relève bien du Mal. Non pas qu’il soit vraiment nostalgique d’une époque révolue, mais il exprime ses craintes d’un progrès immodéré.

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Cet article a été publié le Vendredi 23 janvier 2009 à 0 h 31 min et est classé dans Art & Culture. Vous pouvez suivre les commentaires sur cet article en vous abonnant au flux RSS 2.0 des commentaires. Les commentaires et les pings sont actuellement fermés.

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