Le nouveau roman de Tolkien débarque en France début 2008. Cette épopée est-elle à la hauteur de celle de Frodon et des Compagnons de l’Anneau ? Réponse de notre spécialiste, qui l’a lue pour vous en avant première…
Vous avez savouré les aventures de Bilbo le Hobbit ? Vous vous êtes délecté des péripéties de Frodon et de ses compagnons dans Le Seigneur des Anneaux ? Réjouissez-vous ! Les Enfants de Húrin, la nouvelle œuvre de John Ronald Reuel Tolkien, vient de paraître. L’occasion idéale de découvrir que l’Univers qu’il a créé est infiniment plus vaste et passionnant que la seule lecture de ses œuvres maîtresses pouvait suggérer.
« Fichtre ! s’étonneront les fans de l’auteur britannique, comment est-ce possible ? Tolkien est pourtant mort voici presque 35 ans. » Certes, mais point de magie elfique derrière tout ça : c’est en fait son fils, Christopher Tolkien, qui a parachevé son œuvre. Patiemment, méticuleusement, il a d’abord rassemblé tous les textes, brouillons, poèmes, versions diverses et notes éparses jetés sur le papier par son père tout au long de sa vie. Entreprise colossale, en vérité : l’ensemble de ces écrits représente treize gros volumes publiés à ce jour ! Christopher s’est ensuite concentré sur les fragments de l’épopée des Enfants de Húrin, particulièrement chère à son père : dès 1918, il en rédigea les premiers passages, puis l’enrichit sans cesse jusqu’au soir de sa vie. Pour la première fois, la voici donc présentée au public, « comme une œuvre indépendante, et surtout sans interruption dans le récit », assure Christopher Tolkien. Un formidable puzzle, en somme, dont chaque mot, chaque virgule est de la plume de J.R.R. Tolkien !
Frappés par une terrible malédiction
L’histoire des Enfants de Húrin est centrée sur la légende de Túrin et Nienor, respectivement fils et fille de Húrin, un prodigieux chef de guerre. Frappés par une terrible malédiction (voir page suivante), ils vivront quantité d’aventures dans un monde hostile — la Terre du Milieu — que veut s’approprier Morgoth, divinité maléfique des « temps anciens ».
Car c’est à un formidable saut dans le temps que nous convie J.R.R. Tolkien. Pensez que l’épopée de Túrin et sa sœur se déroule quelque 6 500 ans avant celle de Frodon et des Compagnons de l’Anneau ! Nous sommes alors au « Premier Âge du Soleil », à une époque reculée où l’humanité n’est apparue sur la Terre du Milieu que depuis cinq siècles et a été accueillie par des Elfes. Beaucoup plus anciens, ceux-ci n’apprécient guère ces « étrangers » faibles, mortels et disgracieux.
Par nécessité, ils se sont tout de même alliés pour contrer les hordes d’orques et de démons de Morgoth qui déferlent sur le monde. Outre les aventures des Enfants de Húrin, vous prendrez donc grand plaisir à découvrir cette ère chaotique et barbare, celle de l’aube de la Terre du Milieu… Quand le premier dragon est capable de dévaster — à lui seul ! — l’un des royaumes cachés des Elfes et que le Mal est incarné par un être encore plus puissant que Sauron, le futur Seigneur des Anneaux dont Morgoth sera en fait le maître…
Cerise sur le gâteau : Tolkien nous invite à un second voyage dans le temps, littéraire cette fois. Car le style des Enfants de Húrin n’est pas vraiment celui d’un roman. Il ressemble bien davantage aux épopées du Moyen-Âge (chansons de geste, aventures des Chevaliers de la Table Ronde, etc.) ou aux sagas nordiques que l’auteur affectionnait particulièrement. La différence avec le roman classique ? Imaginez qu’un barde ou un ménestrel vous raconte, le soir à la veillée, les légendes des temps anciens : batailles, péripéties, amours, rencontres et malédictions vous sont contées dans un style vivant et avec moult rebondissements, sans qu’on s’attarde (trop) sur les sentiments profonds de tel ou tel personnage. Non pas qu’ils soient superficiels — loin de là ! —, mais ils sont évoqués à travers les actes des protagonistes au lieu des commentaires et descriptions habituelles que l’on trouve dans un roman. C’est aussi vrai quand les personnages s’expriment (par exemple les dialogues entre Húrin et Morgoth, Túrin et le dragon, etc.) : chaque phrase est déclamée de telle sorte qu’elle semble avoir été transmise au fil du temps par des générations de conteurs… C’est donc tout le charme d’une ancienne tradition orale que l’auteur du Seigneur des Anneaux nous permet aussi de découvrir grâce aux Enfants de Húrin. C’est le reflet contemporain et enchanteur d’une époque révolue, empreinte de mythes et de légendes.
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Une saga est un ensemble de récits qui racontent les aventures d’un héro, d’une famille ou d’un clan. Ces épopées étaient très prisées en Islande et en Scandinavie.
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L’ensemble des textes et brouillons laissés par J.R.R. Tolkien a été publié sous la forme de L’Histoire de la Terre du Milieu qui comprend 13 volumes en Anglais (les quatre premiers sont publiés en français aux Editions Christian Bourgois).
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